Les églises des petits villages sont d’architecture très simple, avec souvent un clocher en pierres, et leurs façades enrichies de belles fresques:
A Pont-Saint-Martin, nous découvrons un imposant pont romain, très bien conservé, du 1e siècle av. J-C. Selon la légende, Saint Martin de Tours, de passage sur la Via Francigena, fit un pacte avec le diable: celui-ci construirait le pont en une nuit en échange de la première âme qui passerait sur ce pont. Le pont construit, Saint Martin y lâcha un petit chien, et le diable disparut pour toujours après avoir dévoré le brave toutou. Le village tirerait son nom de cette légende, et nous confirmons n’y avoir croisé aucun diable.
Pour améliorer mon rendement kilométrique, nous avons mis en place une nouvelle stratégie, qui s’avère payante: un copieux petit déjeuner sucré, 2 heures de pédalage, un second petit déjeuner, cette fois salé et encore plus copieux, et une pause déjeuner seulement en fin de parcours, lorsque la chaleur devient trop écrasante pour pouvoir rouler, et que le but est proche. La première fois, Camembert a été surpris quand à 10 heures du matin j’ai refusé le chocolat qu’il me tendait gentiment et l’ai envoyé m’acheter 100 grammes de tomme et du jambon sec, mais il s’est rapidement adapté à mes nouvelles habitudes alimentaires plus viriles. Durant quelques jours, sa phrase préférée a été: « Mais qu’est-ce que tu bouffes! », mais ce n’était bien sûr que pure médisance.
Après un deuxième petit-déjeuner au pied du pont romain donc, nous voici prêts à affronter les 22 kilomètres restants jusqu’à Ivrea, notre but du jour. Une petite balade d’une heure, une heure et demie en traînant me direz-vous. C’est ce que nous croyions aussi. Nous suivons fidèlement le balisage, délaissant la route nationale pour s’enfoncer de quelques centaines de mètres dans la campagne, admirant au loin les vignes en terrasses (qui donneront le vin rouge de Carema), roulant gaiement (et lentement) sur des chemins herbeux, comptant fleurettes et papillons, faisant demi-tour face à des passages bloqués…
… nous faisant mal aux fesses sur des chemins pierreux, passant dans de charmants petits villages, admirant toujours les pilun, ces piliers de pierre soutenant les pergolas de vignes, les protégeant du froid montagnard en libérant la chaleur qu’ils ont accumulé le jour…
… nous octroyant même de petits pauses remontage de selle (toujours dans l’optique d’améliorer mon rendement kilométrique) et grimpant sur une petite colline admirer l’église romane de San Lorenzo (10e-14e siècles) et le baptistère de San Giovanni Battista (7e-11e siècles), malheureusement ouverts à la visite seulement quelques heures par semaine.
C’est là que tout se gâte au niveau rythme. En redescendant de cette colline, nous croisons un couple de personnes âgées, qui palissent à la vue de nos vélos. Ils essaient de nous dissuader de continuer par ce chemin, mais faute de vocabulaire, nous comprenons simplement que la suite est « peggiore » (pire). Loin d’écouter la sagesse vénérable de ce couple fort sympathique mais nécessitant des bâtons de marche pour avancer, nous nous disons que le côté « peggiore » de la suite du parcours se composera certainement tout simplement d’un ou deux escaliers où il faudra porter les vélos et que ça ne peut pas être bien pire que le chemin parcouru jusqu’ici. Après un premier escalier, le chemin se perd dans les vignes, par des passages trop étroits pour un vélo, trop glissants, ou tout simplement trop raides. Une petite heure de poussée s’en suivra, surtout pénible pour Camembert qui doit prendre en charge mon vélo en plus du sien car je suis incapable de maîtriser son poids dans les descentes casse-cou.

