Je vais effectuer mon premier mois de volontariat au Pérou dans le village de Pilcopata, dans le parc de Manu. Après une longue bataille pour boucler les bagages (comment ça j’ai acheté trop de livres et de produits de toilette? Mais c’est un stock nécessaire, je pars dans un désert de produits de consommation courante, vous comprendrez lorsque je vous présenterais le village de Pilcopata). Ultra-chargée donc, je pars à la recherche de l’arrêt de bus pour Pilcopata. Croulant sous le poids de mes bagages, je prends le taxi pour faire … 300 mètres (oui, vraiment j’ai trop de bagages).
J’admire l’organisation péruvienne, qui en gros peut se résumer par « impossible de trouver des infos nulle part, mais tout le monde est au courant ». J’explique : si vous demandez à l’office du tourisme où est la station de bus pour Pilcopata, sachant qu’elle est plus ou moins dans votre quartier, on vous répondra de dire au chauffeur de taxi « el paradero a paucartambo y pilcopata, por favor » (soit « l’arrêt de bus pour Paucartambo et Pilcopata s’il-vous-plait »). Bref, pas de carte, ni d’adresse, mais un chauffeur de taxi. De même pour les horaires de départ… à vrai dire, même avec le nom de la rue, je n’aurais jamais trouvé : l’arrêt est signalé par le nom de la ville peint sur un poteau de lampadaire et l’inscription est à moitié effacée…
Au départ du bus, je rencontre les parents d’Évelyne (chef de la Fundacion Selva Inka, l’ONG pour laquelle je vais travailler) et gérants de l’auberge dans laquelle je vais loger. Le bus part, je suis la seule étrangère. Nous longeons d’abord la voie ferrée vers Puno, j’admire le lever du soleil derrière les montagnes et les brumes matinales qui se dissipent. Petite pause dans le village de Lucre, où chaque maison dispose d’un four à pain. Tous les voyageurs achètent donc du pain par la fenêtre du bus. Nous continuons notre route dans les montagnes, et passons un premier col. Je dis adieu à la vallée sacrée des Incas et découvre de nouvelles montagnes. Nous quittons la route goudronnée pour une piste poussiéreuse et caillouteuse. Le bus est très vieux, ça vibre de partout, j’ai peur que les vitres ne tombent à force de trembler. Le chauffeur renonce à écouter la radio, sa puissance n’est pas suffisante pour couvrir le bruit des vibrations.
Après 3 heures de route, nous faisons une pause petit-déjeuner au village de Paucartambo, puis nous attaquons l’ascension du col des Tres Cruces, à plus de 4 000 mètres d’altitude. La végétation change au cours de la montée, qui durera une heure. Cactus, aloès et arbres à fleurs sont remplacés par une végétation très aride: mousses, lichens et quelques graminées. Même si le décor n’est pas des plus jolis, je me concentre sur les plantes pour oublier que le bus est de largeur égale à la piste et qu’il y a un bon gros ravin à mes côtés.
Nous arrivons dans les nuages, et d’un coup, la végétation devient luxuriante. C’est ce qu’on appelle la forêt de nuages. Arbustes fleuris, orchidées et beaucoup d’espèces que je vois pour la première fois de ma vie. Deux grands condors prennent le bus pour une proie et décrivent des cercles au-dessus de nous. (Ou alors ils attendent la chute du bus pour déguster nos restes…).
Le parc national de Manu commence dès ce col. Devant nous, un grand océan vert : l’Amazonie. Pour arriver à Pilcopata, il faut encore 3 bonnes heures de route, sur une piste boueuse, à peine aussi large que le bus. Inutile de dire que j’admire le paysage et que j’aimerais pouvoir prendre des photos des plantes les plus impressionnantes (c’est-à-dire tous les 3 mètres). Nous passons quelques rivières à gué, je vois de nombreuses cascades et de nombreuses orchidées ainsi que des fougères arborescentes comme sorties de la préhistoire. Plusieurs fois nous tombons nez à nez sur de gros camions (qui transportent le bois tropical et les fruits pour aller les vendre). Le chauffeur de bus se livre alors à de nombreuses manœuvres pour permettre aux véhicules de se croiser, voire recule pendant de longues minutes jusqu’à une zone un peu plus large permettant le passage. La chaleur dans le bus est étouffante, il se met à pleuvoir, et je prie pour que mes sacs sur le toit du bus survivent à l’averse. La route est parsemée d’ornières et de grandes flaques, un quatre-quatre serait bien plus approprié qu’un bus. La route est très étroite, les feuilles des plantes rentrent par les fenêtres ouvertes, et les cascades jouxtant la route arrosent la moitié du bus.
Nous nous arrêtons dans plusieurs petits villages, ou plutôt groupes de cabanes perdues dans la jungle, et je prie pour que Pilcopata soit un poil plus civilisé. Après 10 heures de voyage et de vibrations, épuisée, affamée et avec un bon mal de tête à force de regarder le paysage défiler, j’arrive enfin à Pilcopata et je respire, ça ressemble à un vrai village. Evelyne m’accueille à ma descente du bus et me montre mon nouveau chez moi.
Si on oublie la largeur minimale de la piste, les secousses et les éboulements, presque un itinéraire touristique vu la diversité des paysages rencontrés. En tout cas moi j’adorais 🙂 Aller dans le parc de Manu, en bus local, c’est un peu l’aventure, mais ça laisse des souvenirs impérissables !