Compostelle – La Meseta ou la traversée du désert

Chemin moutons Compostelle Meseta Burgos Hornillos del Camino
La traversée de la Meseta est une portion mythique du chemin de Compostelle et redoutée par de nombreux pèlerins. Pour nous aussi la route fût difficile !

Encore un peu de tourisme dans Burgos, et, enfin, nous posons les pieds sur la Meseta, cette portion du Camino Francès redoutée par tant de pèlerins. Ici, le défi n’est pas physique, hormis en été, à cause de la chaleur. Pas de dénivelé à franchir, juste une morne plaine céréalière. Un plateau de 200 kilomètres à traverser, à 800-900 mètres d’altitude, sans arbres, sans paysages grandioses à admirer, sans grande ville où trouver un peu de modernité. Une chaleur réputée pour être étouffante, peu de points d’eau, pas d’ombre salvatrice… L’arme secrète pour tenir : le mental. Tout un programme !

34e jour de marche : Burgos – Hornillos del Camino, 19 km

Nos premiers pas dans la Meseta se font sous un ciel plombé par de lourds nuages. Dès la sortie de Burgos, nous sommes plongés dans un nouveau décor. Les champs de blés s’étendent à perte de vue. Le mois d’octobre touche bientôt à sa fin, les moissons ont eu lieu il y a déjà de longues semaines. Les champs sont d’un beige-gris en parfait accord avec la couleur du ciel. Les villages traversés sont déserts. On doit être hors-saison.

Chapelle Compostelle Meseta Burgos Hornillos del Camino

Chemin moutons Compostelle Meseta Burgos Hornillos del Camino

Graffiti Camino de Santiago

35e jour de marche : Hornillos del Camino – Castrojeritz, 20 km

Au ciel gris s’ajoute un fin brouillard. Le chemin est monotone, mais la grisaille de la journée est brisée par quelques doux moments. Un sandwich à la tortilla de patatas en guise de petit déjeuner (patates + omelette + pain, parfait pour le randonneur !), des ruines d’une église dont la voûte surplombe la route, un rayon de soleil qui sort soudain de derrière les nuages et qui fait passer le paysage du gris ou jaune doré. Non finalement, cette journée n’est pas si grise que ça.

Ruines de Valdemoro Compostelle Meseta Hornillos Castrojeritz

Ruines du couvent de San Anton Compostelle Meseta Hornillos Castrojeritz

Compostelle Meseta Arrivee a Castrojeritz

Compostelle Meseta Vue depuis Castrojeritz

 36e jour de marche : Castrojeritz – Boadilla, 20 km

A mon rhume qui traîne depuis quelques jours s’ajoutent des piqûres suspectes sur mes jambes. Qu’importe, il nous faut continuer, Santiago est encore loin et nous ne pouvons plus traîner en route. 2 biscottes avalées, les sacs bouclés, et nous voici de nouveau sur le chemin, cette fois-ci dans un épais brouillard. La barbe de Camembert (qui commence à être relativement longue étant donné qu’il ne s’est pas rasé depuis notre départ du Puy-en-Velay) emprisonne des gouttelettes d’eau. Je m’en amuse jusqu’à sentir une nouvelle piqûre sur mon pied. Ni une ni deux, j’enlève chaussure de rando et chaussette, et découvre la coupable : une punaise de lit. Nous espérons que je n’en ai pas ramassé d’autres et reprenons notre marche. Mais bientôt je sens de nouvelles piqûres sur mes jambes, je suis en train de me faire dévorer. Il nous faut nous arrêter au plus vite, et trouver une auberge qui pourra laver toutes nos affaires. La punaise de lit est un véritable fléau sur le chemin de Compostelle, qui se répand d’hébergement en hébergement grâce aux sacs des pèlerins. La seule façon de s’en débarrasser, c’est de tout (tout !) laver à haute température. Quand nous trouvons enfin une auberge et expliquons notre problème, le propriétaire n’est pas étonné, et nous n’avons même pas besoin de lui dire dans quel gîte nous avons dormi la nuit précédente (l’auberge Casa Nostra à Castrojeritz), comme s’il avait l’habitude…

Arbre isolé Compostelle Meseta Castrojeritz Boadilla

Plaine Compostelle Meseta Castrojeritz Boadilla
Nid de cigognes Compostelle Meseta Castrojeritz Boadilla

37e jour de marche : Boadilla – Carrion de los Condes, 27 km

Débarrassés de nos punaises de lit, nous reprenons la route vers Compostelle. Nous traînons en route, la motivation n’est pas là. Et pourtant cette étape est très belle. Nous longeons le canal de Castille, bordé de peupliers aux belles couleurs d’automne, et admirons les écluses de Fromista, avant de faire une longue pause dans l’église romane de Fromista. Les chapiteaux des colonnes sont fraîchement restaurés, cette église est une petite merveille ! Nous perdons encore un peu de temps à faire quelques courses, puis choisissons de suivre l’itinéraire bis proposé dans notre guide sur le Camino Francès. Le tracé officiel suit l’itinéraire historique, aujourd’hui recouvert par le bitume. Nous préférons passer par les champs, et suivre la rivière Ucieza jusqu’à l’ermitage de la Virgen del Rio. Cet itinéraire bis est d’ailleurs balisé (sauf à la première bifurcation avec l’itinéraire officiel…). A croire que nous sommes nombreux à préférer marcher dans les champs plutôt que de longer une route très passante ! Après l’ermitage, les choses se gâtent, le balisage disparaît et nos gourdes sont vides. Nous errons un peu dans la Meseta, puis parvenons au col de l’Alto de San Cristobal. Nous savourons la vue sur la Meseta et sur les montagnes au loin. Encore quelques kilomètres et nous arrivons à Carrion de los Condes épuisés, desséchés mais heureux de cette belle journée de marche !

Eglise de Fromista Compostelle Meseta

Canal de Pisuerga Compostelle Meseta

Ermita de la Virgen del Rio Compostelle Meseta

Oies au depart Compostelle Meseta

Vue Alto de San Cristobal Compostelle Meseta

38e jour de marche : Carrion de los Condes – Leon

Le brouillard a quitté la Meseta et la bonne humeur est revenue dans nos cœurs. La nuit à l’auberge paroissiale Santa Maria, tenue par des sœurs de la charité, a été bonne. Pour rester dans cet état d’esprit positif, nous achetons des viennoiseries pour le petit-déjeuner et lézardons au soleil dans un parc sur les hauteurs de la ville. Nous repensons aux jours passés dans la Meseta et en dressons le bilan. Nous estimons avoir fait notre part de traversée du désert et aspirons à oublier les quelques mésaventures : les punaises de lit, le brouillard épais, les champs récoltés et labourés qui rendent le paysage bien morne, le chien qui urine sur mon sac et son maître qui ne s’en excuse même pas… Oui, la traversée de la Meseta est une partie importante du chemin de Compostelle, qui permet de se retrouver face à soi-même, chaque pèlerin vous le confirmera. Mais pour nous, l’expérience a assez duré. Nous prenons le bus et filons vers Léon et ses monts recouverts de forêts de chênes. Un peu de vert, après tout ce gris, ça va nous faire du bien !

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10 Comments

    1. says: Cassonade

      Je pense qu’il y a bien d’autres voyages qui sont tout aussi enrichissants. Ce qui est vraiment différent sur le chemin de Compostelle, c’est qu’on marche pendant plusieurs semaines. On a donc l’occasion de découvrir lentement les régions traversées, mais aussi de prendre du recul sur sa vie.

  1. says: coralie

    j’ai bien aimé le début de ton article « la Meseta, cette portion du Camino Francès redoutée par tant de pèlerins » car c’est la seule que j’ai faite 😉 je dois être un peu maso (ou je n’ai pas eu le choix) En tous cas, tu me rappelles des souvenirs c’est sympa!
    Ce sont de très belles étapes mais effectivement un désert… Entre Boadilla et Carrion (notre 3eme jour de marche depuis Burgos) nous n’avions pas choisi l’itinéraire bis et je me souviens que la dernière heure avait été longue, très longue, sous le soleil, le long de cette route départementale…

    1. says: Cassonade

      Mais non, tu n’es pas maso ! Le côté mythique de la Meseta est justement ce qui donne envie de faire cette partie du Camino. A force d’entendre tout le monde en parler, on veut le vivre nous aussi ! Par contre, en plein été, par 40 degrés, ça doit vraiment être dur.

      Pour le chemin qui longe la départementale, malheureusement, c’est un classique en Espagne. Une heure, c’est long, mais imagine quand c’est des journées entières ! Heureusement que nous avions un guide avec des itinéraires bis, nous avons échappé pas mal de fois à cet enfer (on mettra les infos sur le blog). Ce qui est triste, c’est que souvent cet itinéraire bis champêtre était l’itinéraire normal il y a quelques années. Le gouvernement espagnol a trouvé ça mieux de faire marcher les gens le long des départementales. Moins de nuisance pour les villages…

  2. Beau périple, vous avez du courage !
    Cela me rappelle la traversée du désert de Bardenas, dans les Pyrénées espagnoles, 50 km de pistes, sans un arbre, avec des paysages grandioses. Je ne sais pas si vous connaissez, mais cela vaut vraiment le coup ! (c’est à 50 km de la frontière française, seulement). Il ne faut pas y aller l’été par contre.

    1. says: Cassonade

      Nous ne connaissons pas encore le désert de Bardenas, mais j’ai vu passer quelques photos et c’est vrai que ca a l’air d’être chouette. Je note !

  3. J’ai marché dans la meseta au mois d’août dernier et n’ai pas eu la même impression que vous. J’ai beaucoup aimé et la réputation du absolument sans arbres (emmener une photo d’arbres…) est fausse. De plus, il y a suffisamment de villages et tous bien équipés en bars pour trouver de l’eau. Je ne prends que 1 l d’eau avec moi (bon il est vrai que je ne suis pas une assoiffée de nature). Au mois d’août, la meseta toute dorée est magnifique et les levers de soleil grandioses. Bien sûr il y a quelques routes mais ça, c’est l’Espagne. Il y a aussi de multiples parcs éoliens (parfois une centaine d’éoliennes par parc) qui gâchent la vue lointaine typique de ces contrées. Peu de moustiques en été (juste un tout petit peu), beaucoup de rivières et cours d’eau agrémentent la traversée. A faire absolument !!!

    1. says: Cassonade

      Chaque expérience est différente. Nous avons traversé la Meseta en automne, tous les champs étaient labourés et le brouillard nous a accompagné plusieurs jours, tout était désespérément marron et gris. Une marche monotone donc pour nous mais qui a au moins le mérite de pousser à l’introspection ! Et puis cela faisait déjà un mois et demi que nous marchions, alors après avoir vu tant de beaux paysages sur le chemin de Compostelle, nous sommes certainement devenus plus difficiles 🙂 Pour avoir vu des photos, la Meseta en été avec ses champs de blé tout dorés ou au printemps avec les chemins bordés de coquelicots, ça doit être très beau !

    2. says: marion

      Bonjour,
      Je vais partir cet été pour la troisième année sur Compostelle et cette fois le départ se fera à pampelune. Je m’interroge à propos des températures estivales qui peuvent être difficiles à vivre pendant la marche. J’ai lu des recommandations qui préconisent d’éviter la période estivale ou alors de partir très tot le matin….
      Votre commentaire me rassure un peu. A quelle période du mois d’aout étiez vous sur le chemin?

  4. La Meseta n’est pas un endroit aussi horrible que beaucoup de gens veulent faire croire. Il y fait certes chaud mais si on voyage le matin dès le lever du jour, il n’y a pas de problèmes. Moi je partais vers 7 h et j’arrivais vers 13h. J’avais juste un peu chaud à partir de 10h30 mais c’était supportable. De plus comme c’est d’une altitude entre 700 et 1000 m, les nuits sont fraîches et on dort bien.
    Voici le récit de mon périple que je fais comme vous par morceaux n’ayant pas la possibilité de tout faire d’un coup. Il suffit de remonter le blog petit à petit.
    http://un-certain-chene-vert.eklablog.com/recent/440

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